Changeons Noël : la Charte de l’an IV

Actualité dernière minute : En cliquant ici. Retour sur l’expérience Changeons Noël, dont la genèse est décrite ci-dessous.

Contexte

Bon, ce conte futuriste chacun le connaît bien à présent. Il dit ceci : « Y’ paraît que la Terre va à vau-l’eau à cause du dérèglement climatique, tant et si bien qu’à la fin elle se casse. Il a pas fait aussi chaud depuis 2 millions d’années. Et les perspectives paraissent difficiles, étant donné que des milliards d’humains accèderont à la société de consommation dans les années à venir. Et que nos économies sont fondées sur l’idée de consommer tout et encore plus. On consomme des produits fabriqués à l’autre bout du monde, parce que c’est possible, que nous sommes nés avec cette habitude. Si tout cela se transforme en degrés supplémentaires, cela donne des dizaines de millions de réfugiés climatiques et des conflits de plus en plus nombreux pour accéder à l’eau et la nourriture. Les enfants d’aujourd’hui, que nous chérissons, connaîtront peut-être quatre mois de canicule par an, contre moins de dix jours en moyenne à ce jour, dans nos pays tempérés. Nous serions au fond de cette marmite, posée sur le feu et un Gargamel ricaneur se lècherait les babines ».

Face à cela, certains paniquent, d’autres s’en foutent, d’autres se préparent à la fin de nos civilisations avec ou sans le sourire. Il faut de tout pour faire un monde. Un réflexe courant consiste à engueuler son voisin d’à-côté ou du dessus, en accusant les États de ne rien faire, les grandes entreprises de polluer à tout va rien que pour faire de l’argent. Le problème c’est que les États et les entreprises c’est aussi nous. Nous en sommes les citoyens, électeurs, travailleurs et consommateurs. On peut se faire croire que l’enfer c’est les autres. A la fin c’est aussi une sorte d’astuce pour gagner du temps et ne pas trop avoir à balayer devant nos portes de Hobbits.

Et puis, il paraîtrait aussi, qu’il n’existerait pas de bouton poussoir sur lequel appuyer, pour tout freiner, tout arrêter d’un seul coup d’un seul. La Nouvelle serait tombée sur les prompteurs : « On ne conduit pas un le Titanic comme un VTT ». Impossible de faire des dérapages contrôlés, des virages à 90°, de stopper les machines en quelques secondes. Pour modifier des habitudes et des pratiques globales, il faut des décennies.

C’est pour cela que le citoyen du futur va sans doute cesser de croire à l’avènement d’un père Noël capable de descendre dans toutes les cheminées du monde avec son seul ventre bedonnant. Il peut aussi se dire que les cultures se changent en leur cœur même, comme s’il y avait un autre réseau de cheminées pour faire des cadeaux au futur.

Changer Noël, changer notre monde

Imaginons que le citoyen de demain ait atteint l’âge de raison. Il ne s’en remettrait plus seulement à un père Noël pour s’occuper de tout ce qui le dépasse. Il ne serait pas non plus obligé de tomber dans la dépression pour se dire : « A quoi bon d’façon, tout est foutu, gnagna ». Ce citoyen pourrait décider, en fait, de prendre sa part de l’ouvrage futur. Pas seulement pour faire sa micro-part, comme le Colibri dans la forêt embrasée, mais aussi pour creuser plus profond que personne n’a creusé là où il vit. Il appellerait cela par exemple « l’épourquoipatisme » : agir dans son quotidien pour changer une habitude générale, là où personne n’ose trop le faire car convaincu que la salle des machines est ailleurs ou que ce n’est pas possible tralala. Et pourquoi faire cela ? Parce que tout simplement : pourquoi pas ?

Le principe est simple : le citoyen observe un truc qui cloche, auquel il participe, et se demande alors s’il peut contribuer à le changer. Oui, lui avec ses petites mains. Par exemple, au moment où l’on crie « Notre terre brûle et nous regardons ailleurs », et où chacun a bien compris que le consumérisme est largement en cause, nous continuons de participer à des fêtes, caractérisées par des débauches de consommation de marchandises achetées dans le commerces où la principale raison d’être est de vendre des marchandises pour Noël. Et ainsi de suite dans un cycle sans fin et sans limite dans l’indécence. Ce n’est pas le président qui est en cause là, ni les grands lobbys. C’est bien nous autres qui y participons, sans restrictions.

Noël dans nos sociétés occidentales d’obédiences chrétiennes-mercantiles, en est l’événement phare. Nos enfants, dès l’âge de 1 an et parfois avant, sont placés devant une montagne de cadeaux tous les 25 décembre, ne sachant plus où donner de la tête. Ils déballent leurs cadeaux comme plus tard ils zapperont et scrolleront entre les informations, sans trop s’arrêter pour lire, écouter, méditer. La puissance de l’individu serait dans le nombre d’effets spéciaux produits et consommés à l’heure, plus que dans la qualité et la profondeur de chaque expérience. Il en est ainsi.

Cette magie de Noël et du Sapin, constitue pour eux un repère formidable, un moment attendu, une manière de trouver notre monde fantastique. Ce n’est pas rien. Quand on passe de l’enfance à un monde potentiellement anxiogène, cela paraît être tout à fait fâcheux de briser ces moments Walt Disney de l’existence. C’est pourquoi changer Noël est l’une des choses les plus difficiles à réaliser dans cette époque de toxicomanie généralisée. Une entreprise cruelle. Et pourtant, il faudrait peut-être en passer par là, pour retravailler cette magie.

Le film actuel est le suivant : un sapin de Noël, a été élevé et coupé pour cette fête. Il est acheté et sera jeté aussitôt la fête terminée. On y accroche une centaine de cadeaux, destinés aux petits, aux grands et même aux anciens à présent. On s’est souvent pris la tête à chercher des cadeaux pour les uns et les autres. On est pris dans l’acte d’offrir pour offrir, et pas toujours fiers de nous. La force de l’amour portant ce pouvoir d’achat, est parfois un signal plat. Qu’on se le dise. C’est le moment du grand déballage. On envoie les plus jeunes sous le sapin, qui se jettent dessous comme s’ils avaient été affamés toute l’année de quelque chose. Quoi ? Les cadeaux s’accumulent autour des genoux de chacun. La multitude tend à remplacer l’objet unique que l’on attend depuis longtemps. Un parent ayant fait un seul beau cadeau a un enfant s’obligera à l’accompagner de nombreux petits cadeaux pour ne passer pour on ne sait quoi. Certains comptent, comparent. L’instant d’après ce grand déballage est parfois grave, triste même. Tout ça pour ça. Le papier cadeau déballé étouffe la pièce. On s’embrasse pour se remercier d’on ne sait quoi. Certains ont la nausée. Le dire est un sacrilège, il ne faut pas affaiblir la magie de Noël. Car bien sûr dans cette débauche, il y a eu du plaisir et de la magie. On y est accrocs.

Quel est le sens de tout cela ? La religion, l’amour ? Chacun finira par en douter. Il ne reste finalement qu’une seule raison valable : les enfants. La magie de Noël pour les enfants, de tous âges, c’est essentiel à notre société. Enlevez cela et vous passerez pour un monstre. Une enfance sans la magie de Noël ce serait une vie exposée à un obscurantisme au grand jour. C’est aussi le culte de l’enfance, de la magie perdue. Chacun saurait au fond de lui que cette surenchère consumériste est une sorte de maladie des temps modernes, mais n’oserait la remettre en cause par peur du vide, et du sacrilège.

Les épourquoipatistes de Noël

Imaginez alors une famille qui aurait osé faire un pas de côté en décidant de « changer Noël ». Chacun mesure la montagne à gravir : convaincre les grands mères gâteau de se restreindre, ne pas traumatiser les enfants, ni les adultes restés souvent de grands enfants. C’est difficile, très. Mais ce serait plus accessible pourtant que de réduire de plusieurs gigatonnes les émissions de gaz à effet de serre en un an. Si une famille retrouvait le sens d’un tel événement, parvenait à conjurer la débauche consumériste, en la remplaçant par quelque chose de moins excessif, cela pourrait ouvrir une brèche dans la banquise qui nous sépare d’une autre ligne de futur.

La charte de Noël de l’an IV*

La famille Krostif établit les règles suivantes pour le Noël de l’an IV de notre nouvel air.

Règle 1 – Le sapin de Noël ne sera pas à usage unique.

Règle 2 – Chacun fabriquera au moins un cadeau par lui-même, ou bien offrira au moins un objet qu’il possède.

Règle 3 – Les cadeaux peuvent avoir des destinataires, ou ne pas en avoir.

Règle 4 – Chacun pourra récupérer ou acheter les matériaux nécessaires à la fabrication des cadeaux, et recourir à un service pour aider à sa confection s’il ne peut pas faire autrement.

Règle 5 – Les cadeaux seront attribués au hasard, ou distribués par l’enfant le plus jeune, s’il le souhaite.

Règle 6 – Les membres de la famille pourront s’échanger les cadeaux s’ils le souhaitent, à l’issue du déballage.

Règle 7 Ce premier Noël du nouvel air, ne dit rien quant au repas à ce stade, car le mieux est l’ennemi du bien.

Règle 8 – Un poète fera le récit de cette première aventure.

Règle 9 – Les règles du Noël de l’an V seront adaptées en fonction de l’expérience. Évidemment, libre à la famille de revenir à l’ancien usage ou d’améliorer le nouveau.

Règle 10 – Il existerait une autre magie de Noël, aussi sensée que fantastique. Ce serait l’idée. Voilà.

*Dans le langage épourquoipatiste, l’an I correspond à l’année 2016 de l’ancien calendrier (prenant pour point de repère la naissance d’un hippie qui a mal fini). L’an I fait suite à ce grand barnum où les peuples du monde se sont réunis à Paris pour jurer-cracher qu’ils allaient tout faire pour rafraîchir la Terre et sauver le monde vivant. Des citoyens se sont alors dits : ah oui, et pourquoi pas ? C’est le début de notre nouvel air.

Dessin Ray Clid, toutes droites réservées

En prime, pour ceuz qui sont allés au bout, un conte de Noël gratuit.

Retour d’expérience

Voici le récit de l’expérience, en prose et avec un retour exceptionnel du Pair Léon (autrement appelé Père Léon), l’ennemi public du Père Noël.